Elans de rentrée

 

Pourquoi j’aime la rentrée ? C’est vrai… je pourrais détester ça, la fin des vacances, la reprise du boulot… Bah non, bizarrement, j’aime toujours la rentrée. Et finalement, pour plein de raisons.

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L’état m’offre une véritable cure de jouvence gratuite chaque 1er septembre, car j’ai constaté que bizarrement, je me retrouve, les années passant, face à des jeunes toujours aussi jeunes : alors moi aussi, non ? A cet âge sensible où je me dirige doucement vers la cinquantaine, et vu le prix de la chirurgie esthétique, c’est un constat auquel je suis de plus en plus sensible. Eh oui, c’est magique ! Je remets tous les compteurs à zéro, je suis neuve, eux aussi, non mais quelle chance de vivre ça à chaque fois que revient la rentrée!

Je vis à cette occasion avec émotion la cérémonie laïque  de l’accueil des élèves avec ses rituels étranges, le discours du Proviseur, l’appel des élèves dans le grand réfectoire, classe après classe, comme une sorte de litanie, au cours de laquelle chaque jeune se lève, un à un, en silence, pour se mettre en rang. J’aime bien ça, les rituels de passage… Le lycée se donne à voir à ce moment comme institution, les personnes présentes sont toutes empreintes d’un sérieux bienveillant et on se dit que l’éducation nationale est une belle chose. (Enfin, c’est vrai, j’avoue que je suis une grande idéaliste, ça ne fait peut-être pas ça à tout le monde.)

J’adore surtout cette décharge d’adrénaline quand je suis là, dans une salle, face à mes élèves, soudain, et que la vie de classe commence à se créer : ces premiers mots que je vais dire et qui créent le contact, ces projets que je leur annonce,  et qui doivent emporter leur enthousiasme. Leurs minois curieux, leur attention toute fraîche. A ton bureau face à leurs regards, tu te demandes si tu vas l’allumer, cette étincelle qui fera briller ton année. Ils sont là, encore inconnus, et dans quelques mois, tu pourras les reconnaître à leur écriture, à leurs petites manies, tu feras partie de leur vie et toi de la leur.

Car chacun d’entre eux, à ce moment, le nez plein de l’odeur des cahiers neufs, blancs, vierges de tout échec, imagine une belle année. Et je ne dois pas briser cet élan, je dois leur donner confiance pour que ce rêve d’année scolaire parfaite, ensoleillé par un été réparateur ait le plus de chance possible de se réaliser. Mon discours est un peu exalté, je sais, mais je suis consciente, rassurez-vous, que les choses se compliquent vite, les cahiers ne restant pas blancs longtemps… Simplement, il faut oser viser haut, il faut y croire avec eux.

La rentrée, c’est aussi un sacré boulot, car on n’arrive pas les mains dans les poches, non, mais on vient avec une progression annuelle, des projets construits en amont. Et c’est en grande partie parce qu’ils sentent que tu es prête pour eux que ça pourra démarrer correctement. Cette année, ce sera un projet autour d’Annie Ernaux, en première ES. J’espère bien sûr que ça va prendre, comme toute cuisinière espère la réussite de sa béchamel, tout en craignant que le lait ne tourne de façon irrationnelle, même si elle suit scrupuleusement la recette.

C’est aussi un moment où j’essaie tant bien que mal de me faire plus jolie que d’habitude malgré mes kilos en trop : coiffeur, robe neuve, chaussures, parce qu’une rentrée en tenue négligée, non ça ne s’imagine pas. Et tu n’as pas encore le teint blafard… Les élèves aussi, ils ont acheté leurs nouvelles baskets, leur agenda n’est pas encore tout gribouillé, on est tout pimpants.

La rentrée pour moi, qui suis trois fois maman, c’est aussi l’envoi attendri de mes propres filles faire leur rentrée à elles, avec leur cartable encore léger sur les épaules, leurs petites angoisses à calmer, leurs propres enthousiasmes à retrouver leurs amis et les conversations fébriles le soir : « Alors ? ton emploi du temps ? Tu as qui ? » etc…

Et puis la rentrée, ce sont les promesses de l’automne, cette si belle saison, avec ses petites brumes matinales poétiques, les feuilles qui se colorent déjà…

Oui, on peut le dire, j’aime la rentrée.

2 réflexions sur « Elans de rentrée »

  1. Emmanuel

    Bonjour Madame,
    Vous faites étudier Annie Ernaux cette année par rapport au programme de lettres modernes à l’ENS ?
    Bien à vous,
    Emmanuel.

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