Archives mensuelles : octobre 2017

Transporcs ordinaires

J’ai découvert comme vous tout à l’heure ce hashtag #balancetonporc : il a de la force! Oui, il faut parler de ces agressions, pour que les gens réagissent. Bravo les filles. Il y a des choses qui bougent en ce moment. Alors, moi qui ai 47 ans, je me suis demandé quels porcs humains antipathiques j’avais croisés au long de ma vie -pour en faire quelques tweets. Finalement, j’ai arrêté avant d’en faire complètement le tour, car ils sont trop nombreux. Très souvent, il s’est agi d’agressions dans les transports, ou alors que je me déplaçais à pied.

Une seule fois je suis allée au commissariat pour déposer une main courante: un type m’avait coincée dans les tripodes du métro par derrière et m’avait violemment enfoncé ses doigts à travers le pantalon. C’était au métro Porte de Vincennes, juste devant un lycée.

Une autre fois, je m’assieds dans le métro à côté d’un type qui avait sur ses genoux un pardessus étalé au point que je m’assieds un peu sur le vêtement qui débordait sur le siège d’à côté. Sauf que tout à coup je m’aperçois qu’il glisse peu à peu sa main dessous, pour mettre sa main sous mes fesses. Je me lève comme un ressort, et je m’en vais, je n’ose pas faire un scandale, je suis sidérée.

Un matin, mal réveillée, je prends le RER très tôt pour aller dans un colloque en Normandie. Je somnole un peu. Tout à coup, en ouvrant les yeux, je m’aperçois qu’un type en face de moi, un vieux, met son téléphone par en dessous pour photographier sous ma jupe. Là encore, je me lève comme un ressort, je m’en vais plus loin dans le wagon mais j’ai le courage de crier « Hé vous! ça va pas non?! » et de raconter à une femme plus loin ce qui vient de m’arriver.

Il y a aussi les agressions de rue: j’ai eu très peur à plusieurs reprises, dans une rue un peu trop déserte. Je marche, une voiture ralentit derrière moi, elle s’arrête à ma hauteur, le gars ouvre la portière et dit « Monte! » Ben je refuse, je dis juste « Non » car moi, ça ne me dit vraiment rien, non, sans façon, cette approche pas super délicate ne me convainc pas… et là le gars crie « Salope! » Ce scénario s »‘est produit deux fois, une fois à Gennevilliers, une fois à Alfortville, mais je crois que la deuxième fois on m’a dit: « Sale pute! »

Un jour, un gars me suit en voiture, alors que je marche, il est au ralenti. La route est le long de la voie ferrée, ce n’est pas une rue très fréquentée par les piétons. Il me dépasse, je me dis « ouf » – mais je le vois reculer brusquement (frayeur) et là le gars descend de sa voiture, et me barre la route sur le trottoir: « j’espère que ton mari s’occupe bien de toi » me dit-il. Je fais comme si je n’entends rien et je le dépasse. Zen.

Quand j’étais jeune prof à Troyes, un type m’a suivie jusqu’à mon immeuble le soir après un cinéma: j’ai couru les quinze derniers mètres, (j’habitais dans une ruelle minuscule)  le type aussi se met à courir (!) et j’ai refermé la porte sur moi. Le gars a tambouriné sur la porte.

Quand j’étais étudiante à Dijon, sur le campus, un exhibitionniste a ouvert son pardessus au moment où je le croisais.

A deux ou trois reprises, dans ma vie, à des âges divers, j’ai rencontré des hommes qui dans la rue m’ont dit « tu as de beaux seins » ou « tu as de gros seins » comme ça, très fort, à voix haute, alors que je ne les avais jamais vus. Je n’ai pour ma part jamais dit à un homme que je croise dans la rue « on dirait que tu as un gros sexe », de façon aussi spontanée, comme si ça pouvait être un compliment sympa qui puisse illuminer sa journée. Bizarre, non?

J’ai eu la chance d’évoluer dans un milieu professionnel sympa sans connaître de harcèlement. J’ai juste le souvenir d’avoir été reçue comme professeure stagiaire avec ma meilleure amie dans le bureau d’un proviseur adjoint le jour de la rentrée de façon assez surprenante. Toutes les deux, nous avions été nommées par erreur dans son lycée, car il n’y avait pas de poste pour nous. Il prend le téléphone et appelle le directeur de l’IUFM devant nous: « permettez moi de vous féliciter, car les stagiaires que vous nous envoyez sont de plus en plus ravissantes, c’est tellement dommage que je n’aie pas de poste pour des demoiselles si jolies… » Puis après avoir raccroché, il nous dit « le directeur de l’IUFM ne peut rien me refuser, car nous avons été nommés sur un poste en Asie tous les deux il y a quelques années, et je sais sur lui des choses très compromettantes, vu ce que nous avons fait en Asie ensemble…. Il est grand mon bureau, n’est-ce pas? Eh bien, il jouxte mon appartement, et la porte que vous voyez là-bas, c’est celle de ma chambre… » Avec ma copine, on se regardait complètement éberluées (bienvenue dans l’éducation nationale…). Bref, on était très contentes d’être nommées très vite dans un autre lycée et de ne jamais recroiser ce monsieur. On ne peut pas dire qu’il nous ait harcelées, n’est ce pas, mais l’expérience fut très malsaine.

Bon voilà, j’en oublie, et c’est déjà trop long. Mais heureusement, la liste des hommes super-chouettes, polis, romantiques, intelligents, sensibles, que je connais serait un millier de fois plus longue!

Je voulais juste montrer par ce billet, qu’à l’échelle ordinaire d’une seule femme (et je ne suis pas une bimbo, loin de là), on croise pas mal des mecs assez agressifs, qui vous pourrissent une journée par un comportement inadapté – pas assez pour qu’on porte forcément plainte, mais pas mal pour avoir une grosse frousse, et nourrir de mauvais souvenirs. On choisit souvent d’oublier, de ne pas en parler, d’enfouir ces moments dans les poubelles de notre mémoire, mais ces épisodes pénibles ne devraient pas exister. On se dit « ce n’était pas si grave ». Et finalement, c’est l’accumulation de tout ça dans nos vies à toutes qui est grave.