Grosse fatigue

C’est vrai que je pousse la conscience professionnelle un peu loin en attrapant le COVID pendant les vacances scolaires, aussi… Comme tout le monde, j’ai été sonnée par la mort de Samuel Paty, ce qui, ajouté aux effets du virus, m’a projetée dans des pensées assez sombres.

Alors, quand, en plus, j’entends, à peine 10 jours après le drame, des figures médiatiques et politiques se retourner contre les profs, pour les accuser d’être lâches, d’être responsables de la tolérance vis-à-vis de l’islamisme (ben voyons… bientôt les enseignant.e.s seront coupables de la mort de Samuel Paty, aussi…), cela m’est spécialement insupportable. Qu’on me montre en quoi le père d’élève qui a critiqué S.Paty sur les réseaux ou bien son meurtrier pourraient avoir été d’une façon ou d’une autre influencés par des universitaires français? On aurait bien aimé qu’ils aient été diplômés de l’université, justement, ils auraient sans doute moins dérivé vers l’extrémisme.

Oui, nous avons besoin de respect, et cela passe aussi par la façon dont on parle de nous à la télé, dans les discours politiques, où se construisent aussi les représentations sociales du métier de professeur. Comment s’étonner ensuite du peu d’inscriptions aux concours de recrutement? On remarque que la ministre Amélie de Montchanin qui s’étonne publiquement du peu de vocations pour les carrières de fonctionnaires appartient à un gouvernement dont l’un des objectifs phares était justement de réduire fortement les effectifs de la fonction publique. Il y a énormément d’hypocrisie  et de faux discours empoisonnés qui circulent. On rencontre même déjà des extrémistes d’ultra-droite décomplexés qui profitent de la situation pour dénigrer les profs avec rage.

Et nous, malgré tout cela, nous devons garder la foi, trouver des forces, pour tous les jours dialoguer avec nos élèves, construire leurs savoirs, transmettre, inventer aussi, parce que la société change, partager nos ressources, nous former sans cesse, nous adapter à la réalité de nos classes qui ne ressemble pas forcément à ce que l’on pensait qu’elle serait, gérer au jour le jour toutes sortes de choses, aussi bien l’ouverture sur des projets culturels que la sécurité pratique de nos classes dans un contexte COVID, la dyslexie de Sarah ou le jeune Kevin qui se lève soudain au fond de la classe. Bien sûr, nous ne sommes pas parfaits ! Mais à 50 ans, j’en ai croisé des collègues, et je peux vous dire que dans leur grande majorité, les enseignant.e.s sont de belles personnes, généreuses et passionnées. Nous avons besoin d’une confiance épaisse de la société pour tenir. Pas d’uniformes ni de salut au drapeau. Mais encore moins de remises en cause de notre loyauté. Nous enseignons parce que nous aimons profondément ce métier, laissez-nous le montrer.

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