Professeurs accrocheurs !

« Des milliers de profs n’ont pas assuré leurs cours »!  « Ces profs qui ont séché »… Les gros titres ont fait tilt. Nous pouvions ensuite découvrir, si nous lisions les petites lignes en dessous, que ce chiffre correspond à un pourcentage de professeurs absents, pendant le confinement, de 4 à 5%, qui est globalement le taux d’absence en France, tous métiers confondus.

Et pourtant, il s’est agi d’un scandale, un « tabou » à partager, pour certains journalistes. Pourquoi?

Dans la formule reprise partout des « professeurs décrocheurs », il y a quelque-chose de l’ordre du retournement carnavalesque: l’image du professeur mauvais élève, le professeur qui va être puni par le ministre, comme un besoin de défoulement social symbolique. La figure du professeur décrocheur est justement une accroche : on va se sentir plus fort si on dézingue cette autorité symbolique que, tout jeune, on nous avait dit de respecter. Le problème, c’est que « décrocher » médiatiquement la figure du prof pour le désigner comme fautif, bouc émissaire, d’une façon aussi générale, est dangereux.
Il me semble logique qu’un tel phénomène – cet épisode de défoulement médiatique convergent- se produise à un moment de tension, où tout le monde est fatigué. Il faut trouver des responsables à nos problèmes. Le professeur est bien pratique, il permet peut-être d’éviter qu’on tape trop sur le politique: si les élèves ne sont pas en classe, ce ne serait pas à cause des mesures draconiennes des protocoles sanitaires qui imposent pourtant des effectifs limités, ou interdisent encore la scolarisation de certains niveaux… Moi qui vous écris par exemple, je fais encore cours à des élèves volontaires à distance (les conseils de classes sont passés et il n’y a plus grand monde en ligne) mais mon lycée en zone orange n’est pas ouvert aux élèves, ce qui limite beaucoup mes possibilités de leur faire cours en présentiel, vous en conviendrez. C’est donc assez naturellement que je viens grossir les rangs de ces statistiques de 40% d’enseignants paresseux dont parle monsieur Babier sur BFM. Parce que notre mauvaise volonté expliquerait tout!  Et cela, même si « l’absentéisme » constaté ne dépasserait pas le taux d’absence moyen de la population française, c’est à dire 5%. Et cela, même si le ministère précise que les 5% globalement évalués contiennent aussi des enseignants malades.
Sur France Inter, un éditorialiste a précisé qu’un ministre, dans les coulisses de leur antenne, avait affirmé que si les employés de la grande distribution s’étaient comportés comme les professeurs, la France serait morte de faim. L’offense est grande. On ne peut pas la laisser passer dans un contexte de raréfaction des vocations enseignantes: il est très grave de laisser faire de telles atteintes à notre dignité et à notre image. Nous mettons très haut les valeurs de bienveillance à l’égard de nos élèves, on en attend en retour de la société.
Car attention: il n’est pas question de prétendre que les professeurs sont parfaits, que tout est allé de soi. On a fait comme on a pu, je crois. Si certains ont été perdus, je ne sais pas pourquoi on devrait être plus sévère envers la population des enseignants plutôt qu’une autre. On a mis en place des dispositifs évolutifs, on a créé des formations express, on s’est adaptés à nos élèves, on est allés les chercher sur Discord, sur Whatsapp… On a fait comme on pouvait avec nos ordinateurs personnels, qui n’étaient pas forcément des bêtes de compétition toutes fraîches, et là je pense spécialement à mon collègue dont l’ordi a rendu l’âme après une semaine de confinement, et qui a dû assurer les cours en partageant la tablette de sa compagne… On a fait avec nos propres connexions – et là je me souviens de la semaine où un  sabotage du réseau sur ma ville avait déconnecté tout le monde…
Fatigue.
Je propose donc de rendre plus visible notre travail, notre inventivité en partageant quelques exemples de travaux inventifs faits par des collègues pendant cette période de confinement. N’hésitez pas à partager les vôtres ! (cliquez sur l’écran !)

Une réflexion sur « Professeurs accrocheurs ! »

  1. DAUPHINOT

    Ton article est le reflet de ce que je pense et de ce que je vis en tant que professeur de collège en zone orange, qui ne peut accueillir que 50 élèves à cause de la configuration de la cantine, où nous sommes plus de profs volontaires que nécessaire!

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